Tribune rédigée par une de nos camarades, exposant son vécu et son ressenti du confinement.
CONFINEMENT, PSYCHIATRIE ET VALIDISME DES SOCIÉTÉS CAPITALISTES
C‘était quelque chose que nous avions anticipé avec beaucoup de crainte, nous autres dépressifs, drogués, psychotiques et autres malades mentaux. Le confinement. L’isolement plus ou moins total.
Nous sommes malades. Nous avons besoin de soins.
Mais le confinement, c’est la grande majorité des psychiatres libéraux, psychologues, CMPs, suivis hospitaliers à domicile ; en fait la quasi-totalité de nos structures de soin qui ferment. Les lignes téléphoniques (si l’on oublie, pour beaucoup, l’angoisse du téléphone) sont saturées ou suspendues, ou parfois justes tenues par des bénévoles sans formation professionnelle sur les sujets qui nous concernent. Le confinement, pour les malades psy, c’est être livré à soi-même, sans soin, sans suivi, parfois même sans traitement médicamenteux.
Les dépressifs sans barrière contre les idées noires.
Les anorexiques en face de la parfaite occasion de s’affamer.
Les addicts en sevrage forcé, avec donc des risques accrus de rechutes ou conduites compensatoires dangereuses.
Les suicidaires encore plus prompts à passer à l’acte.
les boulimiques devant gérer leurs crises seuls.
Les anxieux en proie aux crises de paniques, amplifiées par le contexte ultra anxiogène d’une pandémie.
Et tellement d’autres encore.
Nous sommes malades. Mais la société, soit ne nous considère pas comme tels (c’est dans la tête voyons, fais des efforts ! ), soit ne considère pas utile de nous donner accès à des soins. Symptomatique du capitalisme, ce phénomène validiste est terriblement destructeur et met des vies en danger.
Les services psychiatriques hospitaliers eux aussi sont surchargés, et bien que ce fut déjà le cas avant la pandémie, ils doivent à présent gérer l’afflux des patients atteints du COVID-19. Le tri de ceux qui vivront et ceux qui mourront a déjà commencé. Les lits de réanimation sont en nombre insuffisants. Les plus âgés, dans un premier temps, ne sont d’ores et déjà plus prioritaires pour les respirateurs. La même chose est à craindre pour les malades mentaux. “Les malades mentaux passeront en dernier. Entre une personne saine d’esprit et un fou, vous prenez qui ? “, confie avec tristesse le psychiatre Mathieu Ballahsen, chef de pôle à l’hôpital spécialisé Roger Prévôt à Asnières-sur-seine (source : France 3 Centre-Val-de-Loire)
Du point de vue capitaliste, un “malade mental”, c’est des coûts, des aides à verser, des adaptations du travail (si tant est que la personne soit à même de travailler) ; pour le capitalisme, le malade mental est un frein au profit, comparé à une personne “saine”. Cette personne, sa vie, sera considérée comme ayant moins de valeur et sera placée à la fin de la liste d’attente.
Le fossé entre “fou” et “non-fou” devient encore plus visible en cette période de crise. Des aménagement, par exemple pour le télétravail (ou télécours) qui nous étaient auparavant si difficiles si ce n’est impossibles à obtenir, sont désormais généralisés sans trop de difficultés. Nous sommes les grands délaissés médicaux de cette pandémie. Et si par malheur il advenait que nous étions pour certains EN PLUS précaires, il nous est d’autant plus évident que nous n’existons qu’à peine aux yeux d’une société préférant ses profits aux individus qui la composent.
Le système capitaliste nous prouve encore une fois qu’ils est fait par et pour une classe privilégiée au détriment des autres. La casse du service public, et dans ce cas précis des services psychiatriques, en est une preuve, l’abandon des personnes mentalement fragilisées, à risques et en difficulté en est une deuxième.
Parfois, c’est ce même capitalisme qui nous rends malade. Mais toujours, c’est lui qui nous maintiendra dans cette position.
Renverser le capitalisme, c’est assurer à chacun une chance.
Une chance de réussir, une chance de s’accomplir, une chance de guérir.
Renverser le capitalisme, c’est notre devoir à tous, et pour tous.