Tunisie, Egypte, Lybie… Depuis début 2011, on assiste à une drôle de passion des médias occidentaux pour l’actualité dans le “monde arabe”. Les faux-curieux et bien-pensants en tout genre ne veulent surtout pas perdre une miette des événements. Totalement hypocrite ou gravement ironique? Profondémment risible en tout cas. Médias et dirigeants d’Europe comme d’Amérique du Nord ont ignoré ces peuples pendant plusieurs décennies, et aujourd’hui ils sont pris d’un étrange engouement pour ce qui leur arrive. Des révolutions! s’écrient-ils en contemplant le “spectacle”. Mais c’est sans doute qu’ils n’ont pas bien prêté attention aux sages conseils d’Aimé Césaire : « et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur, car la vie n’est pas un spectacle, car une mer de douleurs n’est pas un proscenium, car un homme qui crie n’est pas un ours qui danse ».
Ces mers de douleurs et ces hommes qui crient ont été ignorés trop longtemps (et de nombreux autres le sont encore, comment ne pas évoquer ici la souffrance du peuple palestinien?), et plus qu’ignorés : cautionnés! Quoi, nos dirigeants occidentaux seraient-ils en plein déni? Nous ne pouvons faire l’impasse sur ça. Faut-il rappeler à tous que ces pays étaient jusqu’à ces derniers mois considérés comme de “vieux amis”, des “Etats modérés” dans le monde arabo-musulman? Le vilain mot de “dictature” n’y était-il pas exclusivement réservé à l’Iran (après la destruction de l”effroyable tyrannie” de Saddam Hussein en Irak)? Il y avait donc d’autres dictatures dans cette région? Et nos médias, dans notre “exemplaire démocratie”, nous l’auraient caché?
Il y a finalement quelque chose de malsain et d’indécent à les voir s’extasier chaque jour (et je n’avance là rien d’inconnu : il n’y a plus un JT depuis la Révolution du Jasmin en Tunisie qui ne pose la question “à qui le tour?”, qui ne s’amuse à rayer le nom des dictateurs qui tombent les uns après les autres, faisant reportage sur reportage pour nous montrer “le prix de la liberté” au travers de photos “choc” où l’on voit s’amonceller les corps des opposants de Kadhafi…) alors qu’ils ont fait régner la loi du silence pendant tant d’années sur ce qu’il se passait là-bas. Sarkozy lui même reconnaissait n’avoir pas suffisamment pris en compte “la désespérance et la souffrance du peuple Tunisien”. Depuis 23 ans? Les pays du Nord ont-ils seulement voulu faire l’effort de s’y intéresser? Comme tous les autres grands dirigeants de ce monde, rien d’étonnant à ce que notre cher président ait fait abstraction de l’oppression des peuples… C’est édifiant comme l’argent, les armes et le pétrole peuvent acheter les relations diplomatiques. Voyez plutot, ils avaient l’air de bien s’entendre :
avec Ben Ali…
avec Moubarak…
et Kadhafi, aussi!
D’autres réflexions s’offrent à nous sur ce sujet. Il y a deux écueils dans lesquels nous devons éviter de basculer. D’abord, un misérabilisme nauséabond qui nous pousserait à réclamer un soutien des forces occidentales dans ces régions du monde ; nous savons pertinemment qu’une intervention étrangère en Lybie (en particulier avec l’OTAN) n’amènerait rien de bon. Nous commetrions une grave erreur en soutenant “l’ingérence démocratique” en Lybie. Pour preuve il suffit de se pencher sur ce que les Etats-Unis ont apporté à l’Irak depuis 2003. J’ai la profonde conviction, malheureusement, que les Egyptiens et les Lybiens ne tarderont pas à se “faire voler” leur révolution. Pour les Tunisiens, gardons espoir, rien n’est encore joué. Par contre, la CIA fera bien rapidement ce qu’elle a à faire en Egypte (avec les résultats qu’on sait. Pinochet n’est pas arrivé seul au pouvoir en 1973), et les forces armées américaines sont déja en train de se déployer pour “venir en aide” aux Lybiens. Et quelle aide! Installer un gouvernement qu’ils auront bien pré-sélectionné, réinstaurer une main-mise des Nords sur le pays, et piller gentimment les ressources en pétrole dont il dispose… En ce sens, on ne peut reprocher à Kadhafi d’avoir prévenu le peuple Lybien de ce qui risque d’arriver avec la venue des occidentaux. Il n’aura pas eu faux sur toute la ligne, c’est déja ça ; nos dirigeants n’auront pas eu ce talent. Le second écueil dans lequel nous devons aussi éviter de tomber est la phobie islamiste. Cette crainte est infondée. Elle sert seulement les gouvernants et médias des Nords (faisant ainsi particulièrement le jeu de l’extrême-droite qui en profite pour nous glisser au passage quelques palabres sur une sorte de “retard chronique” des peuples musulmans). Ils justifient leur main-mise sur les pays arabo-musulmans par la peur du “risque islamiste”. Belle justification! Si seulement elle tenait. Certes, nous entendons parfois des “Allah Akbar” à chaque nouvelle petite victoire des insurgés contre le pouvoir en place, mais a-t-on vu, dans les manifestations tunisiennes comme sur les barricades lybiennes, des intégristes brandir le Coran et réclamer un régime théocratique? Pas une seule fois. Alors que cessent ces excuses, elles ne sont pas valables, et qu’enfin on laisse les peuples décider pour eux-mêmes!
Les Jeunes Communistes de la Loire témoignent tout leur soutien aux Tunisiens, Egyptiens, Lybiens, et autres peuples du monde qui luttent pour la liberté et la justice. Il faut également saluer leur courage, et espérer qu’il inspirera tous les autres opprimés à se soulever pour écrire leur vision de l’avenir sur les pages encore blanches des futurs livres d’Histoire!
Non à une intervention en Lybie
“Les prolétaires n’ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!” K. Marx